mardi 20 janvier 2015

Limonov, d'Emmanuel Carrère

Date de parution : 2011 chez P.O.L. - 2013 pour la version poche chez Folio
Nombre de pages : 496
Genre : roman/biographie
Prix Renaudot 2011


Quatrième de couverture

Limonov n'est pas un personnage de fiction. Il existe. Je le connais. Il a été voyou en Ukraine ; idole de l'underground soviétique sous Brejnev ; clochard, puis valet de chambre d'un milliardaire à Manhattan ; écrivain branché à Paris ; soldat perdu dans les guerres des Balkans ; et maintenant, dans l'immense bordel de l'après-communisme en Russie, vieux chef charismatique d'un parti de jeunes desperados. Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud : je suspends pour ma part mon jugement.


Mon avis 

J'ai aimé D'autres vies que la mienne, un peu moins Un roman russe, mais là... quelle déception. Je m'attendais plutôt à une biographie romancée de ce personnage aux vies multiples qu'est Limonov, étant donné que partout, ce livre a été présenté comme un roman. Pourtant, ce n'est pas vraiment un roman. Ce n'est pas vraiment une biographie non plus : l'auteur y parle bien trop de lui-même (après avoir lu Un roman russe, justement, je commence d'ailleurs à me dire que Carrère ne sait pas faire autrement que de toujours tout ramener à lui-même) et de son admiration pour Limonov, les différentes conquêtes féminines de ce dernier et... pour sa propre mère, soviétologue reconnue dont il ne se lasse pas de faire l'éloge. 
Avec Limonov, Carrère hésite sans cesse entre roman, biographie, écrit journalistique, essai politico-historique et au final, c'est un peu tout et rien à la fois, un mélange de genres où ce qui est censé être romancé manque d'ambiance et de finesse, et où les analyses ne sont pas abouties.
Entre de nombreux passages détaillés à tendance pornographique sans intérêt et une vulgarité parfois horripilante, Carrère passe également son temps à comparer sa vie et sa carrière à celles de son héros à qui il voue un culte bien discutable. 
Il se permet de défendre certaines positions et/ou actions plus que méprisables de Limonov à l'aide d'arguments qui n'en sont pas et semble parfois parler à sa place sans savoir ce qu'aurait réellement fait ou pensé son personnage. Je pense notamment aux horribles propos de Limonov au sujet du décès imminent d'un petit garçon leucémique (page 203 dans l'édition P.O.L.). Limonov se réjouit de la mort prématurée de cet enfant et écrit : « Qu'il crève, le gosse de riches [...] Meurs, petit garçon condamné ! ». Ce à quoi Carrère s'empresse d'ajouter : « [...] s'il y avait eu quelque chose à faire pour sauver le petit garçon [...] le premier qui s'y serait collé et aurait jeté dans le combat toute son énergie, c'est Édouard. » Ah ? Et comment il le sait, lui ? C'est un peu facile, non ? Limonov est un personnage détestable, pourquoi essayer de le défendre ?

J'ai aimé les 150 premières pages, malgré un style décevant, mais j'ai vite déchanté : la suite devient lourde, voire indigeste, pour toutes les raisons évoquées précédemment, mais aussi à cause de toute la partie dédiée à la vie politique de l'ex-URSS, qui ne m'a pas vraiment intéressée, mais ça, ce n'est qu'une question de centres d'intérêt sans doute. 
Par contre, toutes ces citations, souvent très longues, et tous ces extraits des différents écrits de Limonov qui ponctuent le livre n'apportent pas grand-chose au récit et le rallongent inutilement, d'autant plus que si le lecteur a envie de lire les œuvres de Limonov, libre à lui de se les procurer...

Le point positif de cette lecture, c'est qu'elle apporte tout de même quelques éléments intéressants sur la Russie, l'histoire de l'ex-URSS et la société russe, sur le monde avant la chute du mur de Berlin, et celle d'après... mais cela n'en fait pas pour autant un grand « roman » à mes yeux, et des écrits sur le sujet, il y en a d'autres, et des meilleurs.
Encore un livre récompensé par le prix Renaudot qui me déçoit : encore une raison de ne pas se laisser influencer par les prix littéraires.




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